LES VOYAGES DUNE HIRONDELLE
(A. DUBOIS -1886)
Sommaire 1ère Partie - 2ème Partie
L'hirondelle du Sénégal, remarquable par sa grande taille, est répandue dans toute l'Afrique. Le plumage supérieur de son corps est d'un bleu noir, brillant, avec le croupion et le cou d'un brun roussâtre clair ; le plumage inférieur est d'un brun roussâtre, avec la gorge plus claire que le ventre. J'ai rencontré, au Cap et dans les environs, des espèces voisines et peut-être de simples variétés de cette hirondelle, dont les moeurs sont absolument identiques aux nôtres. L'hirondelle du Sénégal habite, de préférence, les steppes et niche dans les troncs creux des adansonias ou baobabs. C'est aussi dans les grandes plaines dont j'ai parlé précédemment que se plaisent les autruches ; leur préférence pour les endroits découverts les y amène en grand nombre. L'autruche est un véritable enfant du désert, et, Il se mis de comparer deux animaux de deux classes différentes, on peut dire que l'autruche est le chameau transformé en oiseau. Le plumage de ces oiseaux varie suivant les sexes : Le mâle a les plumes du corps noires, tandis que celles des ailes et de la queue sont d'un blanc éclatant ; le cou est rouge ; les cuisses, couleur de chair, le bec, jaunâtre. Chez la femelle, le plumage du corps est d'un gris brun tirant sur le noir vers la queue et les ailes, qui sont d'un blanc sale. La livrée des jeunes ressemble à celle de leur mère. Mais ce qu'il y a de véritablement remarquable, c'est la grande taille de cet oiseau, qui atteint jusqu'à plus de deux mètres, cinquante centimètre de hauteur. Les autruches habitent tous les déserts de l'Afrique et, de préférence, ceux qui renferment quelques oasis ; elles s'y rencontrent quelquefois en troupes considérables. Le voisinage d'une source est une des premières conditions que réclament ces oiseaux pour s'établir dans une localité ; on a remarqué qu'ils se rendent toujours par la même route à leur abreuvoir accoutumé, formant ainsi de véritables sentiers qu'on croirait, dans ces contrées désertes, avoir été foulé par le pied des hommes. L'autruche ne vole pas ; ses ailes rudimentaires seraient bien incapables de supporter le poids de son corps ; mais, la rapidité de sa course est véritablement surprenante et dépasse la vitesse du meilleur cheval. Sa vue est le plus parfait de tous ses sens ; son oeil est beau et son pouvoir visuel si puissant qu'il s'étend à une distance de l)lus de huit kilomètres, de telle sorte que l'autruche voit presque toujours son ennemi avant qu'il se doute de sa présence. Elle est très défiante, mais peu intelligente : A chaque apparition qui ne lui est pas familière, elle fuit à toute jambes, sans chercher à calculer le danger, et l'animal le plus inoffensif lui cause le plus grand effroi. Cependant, elle se réunit aux zèbres, si prudents et si rusés, et tire profit de leur présence. L'autruche vit principalement de substances végétales, mais ce régime n'est pas exclusif : En liberté, elle se nourrit d'herbe de grains, d'insectes, de mollusques, de serpents, de lézards, (le grenouilles, etc. En captivité, elle avale tout ce qui se trouve à sa portée Un fragment de brique, un morceau d'étoffe, une pierre, un clou, une clef, un paquet d'étoupes, passent dans son estomac avec autant de promptitude qu'un morceau de pain On a trouvé, dans l'estomac d'une autruche qu'on disséquait divers objets pesant ensemble 4,228 grammes : Il y avait du sable, des étoupes, du linge, trois morceaux de fer, neuf pièces de billon, une charnière en cuivre, deux clefs, dix-sept clous de cuivre, vingt clous de fer, des balles de plomb, des boutons, une sonnette et beaucoup d'autres objets. Tout le monde connaît la mésaventure de cet habitant de Saint-Quentin, qui, dans une exhibition d'autruches, s'était imprudemment approché de l'une d'elles en étalant sur sa poitrine une belle chaîne en or, et qui vit, à sa stupéfaction profonde, disparaître la chaîne et la montre dans l'œsophage de l'animal glouton. Le nid de l'autruche n'est rien plus que la surface du sol où elle dépose ses oeufs sans aucun apprêt ; plusieurs femelles pondent dans le même nid, et c'est ordinairement le mâle qui couve, pendant la nuit. Le jour, les oeufs sont abandonnés pendant plusieurs heures, après avoir été recouverts de sable. Ces œufs va rient de volume, mais les plus petits sont encore monstrueux : Ils pèsent, en moyenne, 1,442 grammes, ce qui égale le poids de vingt-quatre œufs de poule. Voyez-vous, d'après cela, ce que serait, à côté d'un oeuf d'autruche, l'oeuf de la pauvre petite hirondelle ! Ces œufs ont la coquille brillante, dure et épaisse, et ils sont d'un blanc jaunâtre, marbré de jaunâtre clair. Le jaune en est, dit-on, très savoureux. Pendant l'incubation, l'autruche veille sur ses œufs avec sollicitude ; elle marche hardiment contre des faibles ennemis, et a recours à mille ruses pour échapper aux plus forts. J'ai rencontré une famille d'autruche qui était poursuivie par des cavaliers ; ces oiseaux fuyaient rapidement, les femelles en tête puis les jeunes, et, à quelque distance en arrière, le mâle qui couvrait la retraite. Quand il vit que les cavaliers gagnaient du terrain, le mâle changea tout à coup de direction, pour attirer sur lui tout le danger ; il activa sa course, laissa pendre ses ailes qui touchaient presque le sol, tourna autour des chasseurs en cercles qui allaient toujours se rétrécissant, et finit par arriver à portée des armes à feu. Ils tirèrent sur lui, le crurent blesser et s'avancèrent dans 5a direction. Mais sa manoeuvre n'était qu'une ruse : A mesure que les chasseurs approchaient, il se relevait doucement. Bientôt il partit comme un trait et alla rejoindre les femelles et les jeunes, qui étaient désormais hors de danger. Un jour, je vis une autruche immobile au milieu d'une vaste plaine ; elle tournait la tète avec une sorte d'inquiétude, dans toutes les directions, et semblait vouloir attirer l'attention d'une petite troupe de ses compagnes que j'apercevais à une assez grande distance. Bientôt, en effet, le troupeau s'élança à la rencontre de la solitaire, dont l'attitude et l'immobilité me paraissaient bizarres ; mais, chose plus singulière encore, lorsque l'intervalle qui les séparaient ne fut plus que d'une trentaine de mètres, l'une d'elles tomba comme foudroyée, et les autres s'éloignèrent de toute la rapidité de leur course en donnant des signes de la plus grande épouvante. J'avais suivi du regard cette fuite précipitée, et lorsque mes yeux se …….. solitaire, je vis un -bushmen debout auprès de l'oiseau mort ; il tenait son arc à la main, et je distinguai, à quelques pas de lui, la dépouille d'une autre autruche. J'eus bientôt l'explication du fait qui m'avait tant intriguée Les bush mens se déguisent en autruches, afin de pouvoir mieux tromper ces oiseaux et les approcher de plus près. Pour cela, ils remplissent d'herbes une espèce de double coussin, qu'ils façonnent en forme de selle et qu'ils revêtent de plumes. Sur un bâton, entouré de paille, ils disposent le cou et la tête d'une autruche ; puis, les jambes peintes en blanc, cette espèce de selle sur le dos, le cou T autruche dans la main droite, son arc dans la main gauche, le sauvage chasseur s'avance vers le troupeau qu'il a découvert, retourne la tête de tous côtés, comme le fait l'oiseau, secoue de temps en temps sa selle emplumée, et parvient ainsi à tromper les autruches. Ordinairement, les bush mens chassent l'autruche à l'affût ; ils se portent près de son nid ou près de l'endroit où elle vient s'abreuver. Quand ils sont en nombre, ils entourent un troupeau de ces oiseaux, puis ils l'effrayent en faisant grand bruit et le rabattent, aidés de leurs chiens, vers un cours d'eau. Si les autruches redoutent d'être cernées, elles s'enfuient du côté d'où vient le vent, quels que soient les inconvénients qu'il v ait pour elles à prendre cette direction. Lorsque les chasseurs en surprennent dans une vallée ouverte, ils se mettent en ligne du côté du vent, et l'oiseau, habitué à ne compter que sur la rapidité de sa course, va aussitôt se jeter tête baissée dans le piège ; il entraîne, dans sa course folle, tous les animaux d'alentour habitués à s'en rapporter à ses défiantes précautions pour leur sécurité particulière. Les chasseurs l'accueillent avec leurs javelines barbelées. Quelquefois, impatientée par les chiens, elle se retourne et brise d'un coup de patte les roins de l'un de ses trop audacieux assaillants. Les Arabes chassent l'autruche à cheval, et leurs coursiers les plus rapides seraient impuissants à vaincre la vitesse de l'oiseau, sans les expédients et les ruses employés par les chasseurs. . . Le moment était venu de reprendre la route du Nord : Après avoir de nouveau traversé le Kalahari, j'arrivai sur les bords de la Zoug a. Ce cours d'eau est constamment sillonné par des canots dont la forme rudimentaire donne une singulière idée de l'industrie des propriétaires. Ces embarcations grossières, creusées dans un tronc d'arbre, conservent toutes les formes capricieuses que peut affecter le irone qui sert de matière première. Et pourtant, les naturels n'ont rien de plus précieux que ces canots qui sont tout à la fois leurs moyens de transports et leurs asiles contre toute espèce de dangers et d'ennemis : Ils y dorment ; ils y font du feu et y préparent leur nourriture. - " A terre, disent-ils, nous avons à craindre les lions, les hyènes, les panthères, les serpents et surtout nos voisins ; dans nos pirogues, abritées par les grands roseaux et perdues sur une rive presque inaccessible, aucun danger rie peut nous atteindre. C'est en suivant le cours de la Zoug a, que j'arrivai sur les bords du lac N'gami, connu depuis longtemps, mais que les difficultés du voyage rendent presque inaccessible : C'est une grande et belle nappe d'eau, peu profonde, sujette à des crues annuelles, assez considérables et assez promptes pour que les eaux entraînent dans leurs cours les animaux de la rive et les arbres dont les bords vaseux sont souvent jonchés. Là, tous les grands animaux, le rhinocéros et surtout l'éléphant abondent. Je voyais des troupeaux entiers d'éléphants s'ébattre dans la vase du lac, sortir de l'eau vers le soir, et regagner la forêt ou les hautes herbes. Difficiles sur le choix des aliments, ils recherchaient les arbres et les fruits à saveur douce et sucrée ; ils faisaient tomber avec adresse les fruits du grand palmier et les savouraient lentement les uns après les autres. Les habitants des bords du lac, qui apprécient beaucoup leur viande et leur graisse encore plus que l'ivoire qu'ils fournissent, leur dressent des pièges à double compartiment, recouverts d'herbes et de joncs. Si l'animal tombe dans l'un des deux compartiments et essaye de se retirer avant d'avoir complètement consommé sa chute, il trouve, de l'autre côté, un abîme qui rend sa perte certaine. Cependant, les naturels ne craignent pas de l'attaquer directement : La bande de chasseurs s'échelonne de loin en loin et forme un cercle qui enveloppe le formidable gibier ; elle fait entendre des sifflements aigus, des cris rauques, des chants bizarres, des sons d'instruments. Ce tintamarre épouvantable éveille l'attention de l'éléphant, qui dresse les oreilles et se met à marcher rapidement, en agitant sa trompe et en regardant de temps en temps autour de lui. Les chasseurs se rapprochent insensiblement ; et tous à la fois, quand ils ne sont plus qu'à une vingtaine de pas, ils lancent leurs javelines barbelées, qui vont hérisser la pauvre bête et la couvrir de sang l'animal blessé fuit d'abord d'un pas rapide ; puis, sa marche s, ralentit par degrés sous l'influence de la colère et de l'exaspération qui le gagnent. Il fait tête aux assaillants, pousse un cri de rage, charge les chasseurs, qui savent éviter cette attaque prévue, en se dispersant et se jetant rapidement à droite et à gauche. L'éléphant, étonné de ne plus apercevoir ses ennemis, s'arrête et reprend sa retraite. De nouveaux cris, un nouveau vacarme, le ramènent aux chasseurs qui l'ont entourés de nouveau, et qu'une seconde charge, vaine comme la première, disperse encore dans toutes les directions. La rage alors est à son comble ; l'énorme bête, perdant son saur ; par vingt blessures, tente un nouvel assaut, s'épuise et tombe hors d'haleine. Alors, de tous les buissons sortent les sauvages qui arrivent à la curée ; ils se précipitent, à coups de haches, sur l'animal qu'ils dépècent et dont ils se partagent les moindres morceaux. |
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